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Garde du corps

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Message par Astie Ven 18 Fév - 12:26

Cette partie de l'histoire mériterait prélude. Jetée ainsi dans le flot des mots du monde, elle ne ressemble qu'à ces soudains cauchemars dont on ne garde que la fin et qui vous font vous redresser aussitôt, en sueur. Pourtant, les prémices d'un cauchemar sont toujours complexes et langoureux ; parfois même, tout ce qui précède le dénouement sinistre et effrayant pourrait se réveler être chantonnant et coloré. Mais pour l'heure, je n'ai l'intention de me remémorer que la fin, que ce moment où tout s'est embrasé et où tout m'a torturée. Tout a commencé par un sinistre son déchirant.

Je n'avais pas entendu le "Clong" métallique et si rassurant de mon bouclier. Aussitôt je devinais mon échec, et je comprenais l'erreur de mon placement. Je m'étais précipitée pour intercepter un premier et violent coup, et j'attirais par cette occasion la colère de l'énorme monstre aux airs de faux dragon couvert d'écailles rèches, sales et moches. Son retour de cimeterre - et par cimeterre, j'entends plutôt une arme que même les Erualdars devraient prendre à deux mains - repoussait mon bouclier et écartait mon bras gauche, tentait même de m'emporter dans le geste. Mes appuis tînrent bon, mon bras quant à lui fut emporté par l'inertie de ce beau pavois de métal. Fort heureusement, ma main est reliée à mon corps via mon épaule, et celle-ci, dans un bruit malsain cria sa douleur et la perte de toutes ses forces, tout en parvenant à conserver mon intégrité.

Pour ceux qui voient encore le bouclier comme une petite plaque de bois, légère, que l'on tient à bout de main et qui permet d'intercepter les flèches, il vous faudra revoir votre vision de la chose. Cet édifice complexe et invulnérable de métal est solidement arnaché par trois sangles qui s'accrochent follement à votre avant-bras afin que rien ne puisse séparer votre corps de son mur. Ce poids devient votre bras, et en est indissociable. Si le bouclier est branlant, il ne bloque rien - il échoue au premier coup et s'envole plus loin, là où il n'aura plus aucune utilité. Alors la main gauche s'aggrippe avec dévotion à sa poignée, et le tout reste admirablement immobile. Forcément, dès que votre bras devient incapable de supporter un bouclier, il devient un boulet, un fardeau insoutenable qui vous cloue au sol, qui vous lie à votre sort.

C'est ce qui m'arrivait là maintenant.
Cette partie de l'histoire mériterait un décor, que vous puissiez mieux en apprécier le drame. Mais la situation est plus vraie lorsque l'on ne voit que ce qui importe. Et "ce qui importe" est une variable très dynamique - elle change à la seconde. Si voilà quelques instants, avant ce coup mal soutenu, je voyais une scène complexe où Balaurs affrontaient Tigres et Templiers dans une échappée entraînante et grisante par la victoire proche, avec des archers en soutien, des prisonniers motivés, des mages concentrées, et des monstres en colère, tout ceci s'estompa pour ne devenir qu'un fond sans saveur. Une seule chose comptait à la seconde.

J'entendais un "Astiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiie !" devenu presque strident. C'était bon signe. C'était peut-être finalement la sensation que je préferais. Laissez-moi subir la souffrance tandis que vous n'aurez qu'à supporter l'inquiétude. Je suis faite pour cela. Je suis faite pour que l'on crie mon nom. C'est votre façon de me remercier de vous avoir sauvé la vie, et c'est comme cela que je sais que vous êtes en vie. Il n'y a pas eu de plus beau cri durant la bataille que celui de désespoir de Nythrate qui, juste là, juste à quelques mètres, me reprochait de tout son coeur d'être intervenue pour l'aider, au lourd tribut de mon effondrement qui y succèda.

Tandis que je m'effondrais au poids insoutenable de mon bras débile, le gros pieds griffu de la bestiole accélera ma chute en me poussant à hauteur du plastron. Je tombai en arrière dans un second craquement de mauvais augure. Je demeurai éveillée, juste pour voir l'impressionante arme tranchante du Balaur se tenter à percer la plaque. Mon bras droit encore valide fit claquer ma modeste épée, pourtant de facture excellente, contre la lame tombante que le monstre voulait utiliser d'estoc, comme un pieu que l'on planterait dans le coeur d'une sorcière. Je ne repoussai pas assez cet édifice de métal mortel, mais juste assez pour qu'au lieu de rencontrer mes plaques et lamelles, il s'enfonce sans retenue dans ma cuisse droite.

Ce fut mon premier cri du combat, et ce fut aussi mon premier sang. Et comme beaucoup de soldats, par temps de guerre, le premier sang signifie la fin de la bataille. Quand boucliers et armures sont traversées, quand le sang finit par couler, c'est que toutes les forces sont tombées, et que nous ne sommes plus que faiblesses. L'instant d'après j'étais éventrée, et l'on allait continuer à s'acharner sur ma charogne. Quand l'impressionnante créature fut renversée par l'assaut enthousiaste et parfaitement dévoué de ce félin éthéré, tout fait de vent, à la coiffure de Roi Lion d'un bleu d'une blancheur impeccable. D'un rugissement absent, l'Esprit s'attaqua à la bête juste assez de temps pour le troubler, pour l'éloigner, et pour le placer précisement sous l'effondrement prodigieux de météores qui l'acheva dans un "Boum!" terrible.

Pour moi, cet instant s'arrêta ici. La bataille ne fut pas terminée pour autant, et je devîns un fardeau qui fît le mort, que l'on ne pourrait extraire qu'une fois la victoire annoncée. Je fus protégée, et heureusement pour moi, et probablement pour tout le monde, je n'étais tombée qu'à la fin.

Cette partie de l'histoire mériterait épilogue, afin que l'on puisse comprendre la suite des évènements, et que l'on apporte réponse à quelques mystères. Mais pour l'heure, considérons simplement que comme la pauvre templière que je suis, il vaut mieux juste fermer les yeux, et se rattacher aux choses simples, aux rêves simples, tâcher de s'endormir à nouveau en oubliant le douloureux cauchemar qui était venu briser notre quiétude. M'accorderiez-vous un peu de repos, s'il vous plaît ?
Astie
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